Société

La pandémie de COVID-19 replace l’euthanasie dans les débats

Le Parlement portugais a voté vendredi 29 janvier en faveur de l’euthanasie. À 136 voix pour et 76 contre, le projet de loi relatif « à la mort médicalement assistée » donne le chemin du progressisme dans ce pays majoritairement catholique.

Le sujet est sensible. Depuis février 2020 et l’union de plusieurs partis politiques de gauche l’euthanasie est de retour dans les débats parlementaires. Les députés portugais avaient déjà essayé de légaliser le suicide assisté. Cette pratique doit permettre aux personnes les plus souffrantes d’être aidées à quitter la vie dans les meilleures conditions. Un projet de loi similaire avait déjà été rejeté en 2018, à seulement cinq voix d’écart. Dans un pays où plus de 80% de la population se déclarent catholiques, le débat sur la fin de vie est pris très au sérieux. D’après un sondage repris par Le Monde, 43% des Portugais affirment être en faveur du suicide assisté, quand 22% n’arrivent pas à se positionner sur le sujet.

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Jusqu’au bout, les opposants au projet ont tout fait pour empêcher la tenue du vote. La très conservatrice Fondation portugaise pour la vie a mobilisé plus de 100 000 signatures, demandant un référendum sur le droit à l’euthanasie. Preuve de l’importance du sujet au sein de la population. La requête a finalement été rejetée par le Parlement, et cela malgré la mobilisation de personnalités telles que Fernando Santos, actuel sélectionneur de l’équipe nationale de football. Celui-ci a remis en question la légitimité des députés à prendre une décision sur la fin de vie. Une façon de sous-entendre que seul Dieu en est capable.

Manifestation contre l’euthanasie devant le Parlement portugais [Patricia de Melo Moreira / AFP]

Un jour historique pour les partisans de l’euthanasie

Cette nouvelle loi permet aux Portugais majeurs d’être assistés dans un processus de suicide assisté. Les médecins sont ainsi autorisés à ôter en douceur la vie des personnes « en situation de souffrance extrême », dès lors qu’un comité médical a validé la décision et la pleine conscience du patient. Jusqu’alors, aider un mourant à quitter les vivants était passible d’une peine allant d’un an à huit ans de prison.

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L’adoption de ce texte intervient une semaine après la réélection, au premier tour, de Marcelo Rebelo de Sousa au poste de président. Catholique affirmé, l’homme de 72 ans s’est montré très silencieux sur le sujet. Sans étiquette politique depuis qu’il a quitté le Parti social-démocrate (PSD) en 1999, il devrait confirmer le vote du Parlement. Bien qu’il jouisse d’une popularité sans faille depuis son arrivée en 2016, le dossier du suicide assisté aurait pu lui porter préjudice au moment de l’élection. Le PSD avait laissé ses députés voter comme ils le souhaitaient, et seuls 14 de de leurs 79 parlementaires s’étaient exprimés en faveur du projet.

Le vote de cette loi se produit également en pleine période pandémique. Le Portugal recense plus de 12 000 décès de la COVID-19. Le nombre d’infections augmentant sans cesse depuis le début de l’année, le débat sur la vie et la mort ne pouvait qu’être d’actualité. Les opposants à l’euthanasie expliquaient de ce fait que la période était « trop anxiogène » pour que puisse se tenir un tel débat parlementaire. En vain. Le Portugal emboîte le pas à son voisin espagnol, dont les députés ont voté en décembre dernier la « régulation de l’euthanasie ». Dans cet autre pays très catholique, le suicide assisté devrait être légalisé au printemps.

Manifestation en faveur de l’euthanasie en Espagne |Crédits : Paul White / AFP]

Un sujet complexe en France

Si le débat semble gagner du terrain, seuls trois pays européens autorisent l’euthanasie, c’est-à-dire « l’usage des procédés qui permettent de provoquer la mort » (dictionnaire Le Robert). Portugais comme Espagnols suivent donc le chemin pris par les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. L’Allemagne n’est pas loin derrière. En février 2020, la Cour fédérale constitutionnelle affirmait qu’il est impossible, aux yeux de la Constitution, d’empêcher une personne de quitter ce monde si telle était sa volonté.

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Dans l’Hexagone, le débat sur l’euthanasie déchaine les passions depuis plus de dix ans et le cas de Vincent Lambert. Cet homme plongé dans un état végétatif depuis 2008 subissait ce que sa femme qualifiait « d’acharnement médical ». Une bataille juridique avait alors été engagée, les parents refusant que les respirateurs artificiels soient débranchés de leur fils. Là-encore, la religion avait pris part aux discussions, la famille Lambert étant de fervents catholiques. La France avait suivi l’histoire de Vincent Lambert de près, chacun se positionnant du côté de la femme ou des parents. L’homme de 42 ans décèdera finalement en juillet dernier.

La femme de Vincent Lambert a toujours souhaité que son mari soit euthanasié [Crédits : ELLE]

En France, la fin de vie est régie par la loi Leonetti-Claeys, qui a justement été modifiée en 2016 en plein dossier Vincent Lambert. Elle prévoit de « faire en sorte que la dernière partie de la vie soit la plus apaisée possible » mais n’est pas claire sur de nombreux points. Dès lors que le patient n’a pas rédigé de consignes à ce sujet, et que son état ne lui permet pas de communiquer, les médecins sont les seuls décisionnaires. Dans le cas où le malade peut parler, il ne peut pas demander un suicide assisté mais seulement l’arrêt des traitements. Dans l’attente d’une mort incertaine et sûrement douloureuse. On parle alors d’un accompagnement vers la mort.

L’euthanasie de nouveau en discussion

Les décisions des pays du Sud de s’orienter en faveur de la légalisation du suicide assisté ont conduit la France à se repositionner sur le sujet. Le 27 janvier, une centaine de députés de la République en Marche (LREM) et des Républicains ont déposé une proposition de loi demandant de faire évoluer à nouveau la loi Leonetti-Claeys. « On meurt mal en France » se lamentait le député Jean Louis Touraine (LREM) à l’Assemblée Nationale. Lui et 117 autres ont condamné les inégalités de traitements des patients.

Manifestation française en faveur de l’euthanasie avant la pandémie [Crédits : France Culture]

Certains bénéficieraient de l’accompagnement « d’équipes médicales compréhensives » quand d’autres « meurent dans des conditions douloureuses ». Un sondage IFOP de 2016 montre qu’environ 80% des Français sont favorables à « la possibilité de provoquer la mort d’un patient par l’administration, par un médecin, d’une substance létale ». Emmanuel Macron ne s’est jamais exprimé sur le sujet mais la crise sanitaire a mis l’euthanasie au cœur des débats familiaux. La répétition dans les médias du nombre de lits de réanimation occupés conduisant à ce que chaque foyer se sente concerné par la meilleure façon de quitter la vie…

Jérémy
@Euskarade

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